Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/176

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— C’est-à-dire prouver que la montre a été prise.

— Elle a été prise, puisqu’elle était là et qu’elle n’y est plus.

— Oui, mais par moi, prise par moi, entendez-vous. Ah ! mais, c’est que devant la justice il faut des preuves ; c’est qu’on ne vous croira pas sur parole, monsieur Marat, c’est que vous n’êtes pas plus que nous, monsieur Marat.

Balsamo, calme comme toujours, regardait toute cette scène. Il voyait que, quoique la conviction de Marat n’eût point changé, il baissait le ton.

— Si bien, continua la portière, que si vous ne rendez pas justice à ma probité, voyez-vous, que si vous ne me faites pas réparation, c’est moi qui irai chercher le commissaire de police, comme notre propriétaire me le conseillait encore tout à l’heure.

Marat se mordit les lèvres. Il savait qu’il y avait là un danger réel. Le propriétaire était un vieux marchand retiré riche des affaires. Il occupait l’appartement du troisième, et la chronique scandaleuse du quartier prétendait que quelque dix ans auparavant, il avait fort protégé la portière, autrefois fille de cuisine chez sa femme.

Or, Marat ayant des fréquentations mystérieuses ; Marat, jeune homme assez peu rangé ; Marat, un peu caché ; Marat, un peu suspect aux gens de la police, ne se souciait pas d’une affaire avec le commissaire, affaire qui l’eût mis entre les mains de M. de Sartines, lequel aimait fort à lire les papiers des jeunes gens comme Marat, et à envoyer les auteurs de ces beaux écrits dans ces maisons de méditation qu’on appelle Vincennes, la Bastille, Charenton et Bicêtre.

Marat baissa donc le ton ; mais, à mesure qu’il le baissait, la portière haussait le sien. D’accusée elle s’était faite accusatrice. Il en résulta que cette femme nerveuse et hystérique s’emporta comme une flamme qui vient de trouver un courant d’air.

Menaces, jurements, cris, larmes, elle employa tout : ce fut une véritable tempête.

Alors, Balsamo jugea qu’il était temps d’intervenir ; il fit