Thérèse revint un moment après avec un beau jeune homme, qu’elle pria d’attendre dans la première chambre.
Puis, rentrant chez Rousseau, qui déjà prenait des notes avec un crayon :
— Dépêchez-vous de serrer toutes ces infamies, dit-elle. Voilà quelqu’un qui veut vous voir.
— Qui est-ce ?
— Un seigneur de la cour.
— Il ne vous a pas dit son nom ?
— Ah ! par exemple ! est-ce que je reçois des inconnus ?
— Dites-le, alors.
— M. de Coigny.
— M. de Coigny ! s’écria Rousseau ; M. de Coigny, gentilhomme de Monseigneur le dauphin ?
— Ce doit être cela ; un charmant garçon, un homme bien aimable.
— J’y vais, Thérèse.
Rousseau se hâta de donner un coup d’œil au miroir, épousseta son habit, essuya ses pantoufles, qui n’étaient autres que de vieux souliers rongés par l’usage, et il entra dans la salle à manger, où l’attendait le gentilhomme.
Celui-ci ne s’était pas assis. Il regardait avec une sorte de curiosité les végétaux secs collés par Rousseau sur du papier, et encadrés dans des bordures de bois noir.
Au bruit de la porte vitrée, il se retourna, et, avec un salut plein de courtoisie :
— J’ai l’honneur de parler à M. Rousseau ? dit-il.
— Oui, monsieur, répondit le philosophe avec un ton bourru qui n’excluait pas une sorte d’admiration pour la beauté remarquable et l’élégance sans affectation de son interlocuteur.
M. de Coigny était en effet un des plus aimables et des plus beaux hommes de France. C’est pour lui, sans aucun doute, que le costume de cette époque avait été imaginé. C’était pour faire briller la finesse et le tour de sa jambe parfaite, pour montrer dans toute leur ampleur gracieuse ses larges épaules et sa poitrine profonde, pour donner l’air majestueux à sa