Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/188

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Autre salut de la part de Rousseau.

— Et les chante fort bien.

Rousseau se pinça les lèvres.

— C’est beaucoup d’honneur, balbutia-t-il.

— Or, poursuivit M. de Coigny, comme plusieurs dames de la cour sont excellentes musiciennes et chantent à ravir, comme plusieurs gentilshommes s’occupent aussi de musique avec certain succès, l’opéra que madame la dauphine choisirait parmi les vôtres serait exécuté, joué, par cette société de gentilshommes et de dames, dont les principaux acteurs seraient Leurs Altesses Royales.

Rousseau fit un bond sur sa chaise.

— Je vous assure, monsieur, dit-il, que c’est pour moi un insigne honneur, et je vous prie d’en faire agréer à madame la dauphine mes très humbles remerciements.

— Oh ! ce n’est pas tout, monsieur, dit M. de Coigny avec un sourire.

— Ah !

— La troupe ainsi composée est plus illustre que l’autre, c’est vrai, mais moins expérimentée. Le coup d’œil, les conseils du maître sont indispensables : il faut que l’exécution soit digne de l’auguste spectateur qui occupera la loge royale, digne aussi de l’illustre auteur.

Rousseau se leva pour saluer ; cette fois, le compliment l’avait touché ; il salua gracieusement M. de Coigny.

— Pour cela, monsieur, dit le gentilhomme, Son Altesse Royale vous prie de vouloir bien venir à Trianon, faire la répétition générale de l’ouvrage.

— Oh ! dit Rousseau… Son Altesse Royale n’y pense pas… à Trianon, moi !

— Eh bien ?… dit M. de Coigny de l’air le plus naturel du monde.

— Oh ! monsieur, vous êtes homme de goût, homme d’esprit ; vous avez le tact plus fin que beaucoup d’autres ; or, répondez, la main sur la conscience : Rousseau le philosophe, Rousseau le proscrit, Rousseau le misanthrope, à la cour, n’est-ce pas pour faire pâmer de rire toute la cabale ?