Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/196

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tout prêt ; j’ai fait avertir le barbier, si vous avez vos nerfs aujourd’hui…

— Merci, ma bonne, répondit Rousseau, je me donnerai seulement un coup de brosse, et je prendrai mes souliers parce que l’on ne sort pas en pantoufles.

— Aurait-il de la volonté, par hasard ? se demanda Thérèse.

Et elle l’excita, tantôt par la coquetterie, tantôt par la persuasion, tantôt par la violence de ses railleries. Mais Rousseau la connaissait ; il voyait le piège ; il sentait qu’aussitôt après avoir cédé, il serait impitoyablement honni et berné par sa gouvernante. Il ne voulut donc pas céder et s’abstint de regarder les beaux habits qui relevaient ce qu’il appelait sa bonne mine naturelle.

Thérèse le guettait. Elle n’avait plus qu’une ressource, c’était le coup d’œil que Rousseau ne négligeait jamais de donner au miroir en sortant, car le philosophe était propre à l’excès, si l’on peut trouver de l’excès dans la propreté.

Mais Rousseau continua de se tenir en garde, et comme il avait surpris le regard anxieux de Thérèse, il tourna le dos au miroir. L’heure arriva ; le philosophe s’était farci la tête de tout ce qu’il pourrait dire de désagréablement sentencieux au roi.

Il en récita quelques bribes tout en attachant les boucles de ses souliers, jeta son chapeau sous son bras, prit sa canne, et, profitant d’un moment où Thérèse ne pouvait le voir, il détira son habit et sa veste avec les deux mains pour en effacer les plis.

Thérèse rentra et lui offrit un mouchoir, qu’il enfouit dans sa vaste poche, et le reconduisit jusqu’au palier en lui disant :

— Voyons, Jacques, soyez raisonnable ; vous êtes affreux ainsi, vous avez l’air d’un faux-monnayeur.

— Adieu, dit Rousseau.

— Vous avez l’air d’un coquin, monsieur, dit Thérèse, prenez bien garde !