Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/198

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Coigny avait enjoint de le faire avertir sitôt que le Genevois arriverait.

Le gentilhomme accourut avec sa courtoisie ordinaire et accueillit Rousseau par le plus aimable empressement. Mais, à peine eut-il jeté les yeux sur le personnage qu’il s’étonna et ne put s’empêcher de recommencer l’examen.

Rousseau était poudreux, fripé, pâle, et sur sa pâleur tranchait une barbe de solitaire, telle que jamais maître des cérémonies n’avait vu sa pareille se refléter dans les glaces de Versailles.

Rousseau devint fort gêné sous le regard de M. de Coigny, et plus gêné encore lorsque, s’approchant de la salle de spectacle, il vit la profusion de beaux habits, de dentelles boursoufflées, de diamants et de cordons bleus qui faisaient, sur les dorures de la salle, l’effet d’un bouquet de fleurs dans une immense corbeille.

Rousseau se trouva mal à l’aise aussi quand il eut respiré cette atmosphère ambrée, fine et enivrante pour ses sens plébéiens.

Cependant, il fallait marcher et payer d’audace. Bon nombre de regards se fixaient sur lui, qui faisait tache dans cette assemblée.

M. de Coigny, toujours le précédant, le conduisit à l’orchestre, où les musiciens l’attendaient.

Là, il se trouva un peu soulagé, et pendant qu’on exécutait sa musique il pensa sérieusement qu’il était au plus fort du danger, que c’en était fait, et que tous les raisonnements du monde n’y pouvaient rien.

Déjà madame la dauphine était en scène avec son costume de Colette ; elle attendait son Colin.

M. de Coigny, dans sa loge, changeait de costume.

Tout à coup, on vit entrer le roi au milieu d’un cercle de têtes courbées.

Louis XV souriait, et semblait animé de la meilleure humeur.

Le dauphin s’assit à sa droite, et M. le comte de Provence arriva s’asseoir à sa gauche.