Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/20

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— Donne-moi une tournure militaire, recommanda-t-il au valet de chambre, et donne-moi mes ordres militaires.

— Il paraît que nous sommes à la Guerre ? fit Rafté.

— Mon Dieu, oui, il paraît que nous sommes à cela.

— Ah çà ! mais, continua Rafté, je n’ai pas vu la nomination du roi, ce n’est pas régulier.

— Elle va arriver sans doute.

— Alors, sans doute est le mot officiel aujourd’hui.

— Que tu es devenu désagréable, Rafté, en vieillissant ! tu es formaliste et puriste. Si j’avais su cela, je ne t’aurais pas fait faire mon discours de réception à l’Académie, c’est cela qui t’a rendu pédant.

— Écoutez donc, monseigneur, puisque nous sommes gouvernement, soyons réguliers… C’est bizarre.

— Quoi donc est bizarre ?

— M. le comte de La Vaudraye, qui vient de me parler dans la rue, m’annonçait que rien n’était fait encore pour le ministère.

Richelieu sourit.

— M. de La Vaudraye a raison, dit-il… Mais tu es donc déjà sorti ?

— Pardieu ! il le fallait bien ; cet enragé vacarme de carrosses m’a réveillé, je me suis fait habiller, j’ai pris mes ordres militaires aussi, et j’ai fait un tour par la ville.

— Ah ! M. Rafté s’égaie à mes dépens ?

— Oh ! monseigneur, Dieu m’en préserve ! c’est que…

— C’est que… quoi ?

— En me promenant, j’ai rencontré encore quelqu’un.

— Qui cela ?

— Le secrétaire de l’abbé Terray.

— Eh bien ?

— Eh bien, il m’a dit que son maître était mis à la Guerre.

— Oh ! oh ! dit Richelieu avec son éternel sourire.

— Qu’en conclut monseigneur ?

— Que si monsieur Terray est à la guerre, je n’y suis pas ; que s’il n’y est pas, j’y suis peut-être.

Rafté en avait assez fait pour sa conscience, c’était un