Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/205

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— Monsieur Rousseau ! dit le prince en lui barrant le passage, je veux que vous m’appreniez le rôle de Colin.

— Je n’oserais demander à M. de me donner des conseils pour celui de Colette, dit la comtesse en jouant la timidité, de sorte qu’elle acheva de terrasser le philosophe.

Les yeux de celui-ci cependant demandèrent pourquoi.

— Monsieur me hait, dit-elle au prince de sa voix enchanteresse.

— Allons donc ! s’écria le comte d’Artois, vous ! qui peut vous haïr, madame ?

— Vous le voyez bien, dit-elle.

— Monsieur Rousseau est trop honnête homme et fait de trop jolies choses pour fuir une aussi charmante femme, dit le comte d’Artois.

Rousseau poussa un grand soupir, comme s’il eut été prêt à rendre l’âme, et il s’enfuit par la mince ouverture que le comte d’Artois laissa imprudemment entre lui et la muraille.

Mais Rousseau n’avait pas de bonheur ce soir-là ; il ne fit pas quatre pas sans aller se heurter à un nouveau groupe.

Cette fois ce groupe se composait de deux hommes, l’un vieux, l’autre jeune ; l’un avait le cordon bleu, c’était le jeune ; l’autre, qui pouvait avoir cinquante-cinq ans, était vêtu de rouge et tout pâle d’austérité.

Ces deux hommes entendirent le joyeux comte d’Artois crier et rire de toute sa force :

— Ah ! monsieur Rousseau, monsieur Rousseau, je dirai que madame la comtesse vous a fait fuir, et, en vérité, personne ne le voudra croire.

— Rousseau ? murmurèrent les deux hommes.

— Arrêtez-le, mon frère, dit le prince toujours riant ; arrêtez-le, monsieur de la Vauguyon.

Rousseau comprit alors sur quel écueil son étoile fâcheuse venait de le faire échouer.

M. le comte de Provence et le gouverneur des enfants de France !

Le comte de Provence barra donc aussi le chemin à Rousseau.