Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/212

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vieillards formaient un groupe de statues qu’on eût pu appeler l’Hypocrisie et la Corruption clignant un projet d’union.

Leur joie devint d’autant plus vive que le front de madame du Barry s’assombrissait peu à peu. Elle y mit le comble en se levant avec une espèce de colère, ce qui était contre toutes les règles, puisque le roi était encore assis.

Les courtisans sentirent l’orage comme les fourmis, et se hâtèrent de chercher l’abri près des plus forts. Aussi vit-on madame la dauphine plus entourée de ses amis, madame du Barry plus caressée des siens.

Peu à peu l’intérêt de la répétition déviait de sa ligne naturelle et se portait sur un autre ordre d’idées. Il ne s’agissait plus de Colette ou de Colin, et beaucoup de spectateurs pensaient que ce serait peut-être à madame du Barry de chanter bientôt :


J’ai perdu mon serviteur,
Colin me délaisse.


— Vois-tu, dit Richelieu bas à Taverney, vois-tu l’étourdissant succès de ta fille ?

Et il l’entraîna dans le corridor en poussant une porte vitrée, d’où il fit tomber un curieux qui s’était suspendu au carreau pour voir dans la salle.

— La peste du drôle ! grommela M. de Richelieu en époussetant sa manche, que le contre-coup de la porte avait froissée, et surtout en voyant que le curieux était vêtu comme les ouvriers du château.

C’en était un, en effet, qui, un panier de fleurs sous le bras, avait réussi à se hisser derrière la vitre et à plonger les yeux dans la salle, où il avait vu tout le spectacle.

Il fut repoussé dans le corridor, où il faillit tomber à la renverse ; mais, s’il ne tomba pas, son panier fut renversé.

— Ah ! mais ! ce drôle, je le connais, dit Taverney avec un regard courroucé.

— Qui est-ce ? demanda le duc.

— Que fais-tu ici, coquin ? dit Taverney.