Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/216

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— Allons donc ! s’écria Taverney ; comment ma fille ?…

— Écoute, Taverney, le roi est plein de goût ; la beauté, la grâce et la vertu, lorsqu’elles sont accompagnées du talent, enchantent Sa Majesté… Or, mademoiselle de Taverney réunit tous ces avantages à un point éminent… Le roi est donc enchanté de mademoiselle de Taverney.

— Duc, répliqua Taverney en prenant un air de dignité plus que grotesque pour le maréchal, duc, comment expliques-tu ce mot : enchanté ?

Richelieu n’aimait pas la prétention, il répliqua sèchement à son ami :

— Baron, je ne suis pas fort sur la linguistique, je sais même fort peu l’orthographe. Enchanté, pour moi, a toujours signifié content outre mesure, voilà… Si tu es marri outre mesure de voir ton roi content de la beauté, du talent, du mérite de tes enfants, tu n’as qu’à parler… je m’en vais retourner près de Sa Majesté.

Et Richelieu pivota sur ses talons avec une aisance toute juvénile.

— Duc, tu ne m’as pas bien compris, s’écria le baron en l’arrêtant. Vertubleu ! tu es vif.

— Pourquoi me dis-tu que tu n’es pas content ?

— Eh ! je n’ai pas dit cela.

— Tu me demandes des commentaires sur le bon plaisir du roi… La peste soit du sot !

— Encore un coup, duc, je n’ai pas ouvert la bouche de cela. Il est bien certain que je suis content, moi.

— Ah ! toi… Eh bien, qui sera mécontent ?… Ta fille ?

— Eh ! Eh !

— Mon cher, tu as élevé ta fille comme un sauvage que tu es.

— Mon cher, mademoiselle ma fille s’est élevée toute seule, tu comprends bien que je n’ai pas été m’exténuer à cela… J’avais assez de vivre dans mon trou de Taverney… la vertu lui est poussée toute seule.

— Et l’on dit que les gens de campagne savent arracher les mauvaises herbes. Bref, ta fille est une bégueule.