— Tu te trompes, c’est une colombe.
Richelieu fit la grimace.
— Eh bien, la pauvre enfant n’a qu’à chercher un bon mari, car les occasions de fortune lui deviendront rares avec ce défaut-là.
Taverney regarda le duc avec inquiétude.
— Heureusement pour elle, continua-t-il, que le roi est si éperdument amoureux de la du Barry, que jamais il ne fera attention sérieusement à d’autres.
L’inquiétude de Taverney se changea en angoisses.
— Ainsi, continua Richelieu, ta fille et toi, vous pouvez vous rassurer. Je vais faire à Sa Majesté les objections nécessaires, et le roi n’y tiendra pas le moins du monde.
— Mais à quoi, bon Dieu ? s’écria Taverney tout pâle en secouant le bras de son ami.
— À faire un petit présent à mademoiselle Andrée, mon cher baron.
— Un petit présent !… Qu’est-ce donc ? dit Taverney plein de convoitise et d’espoir.
— Oh ! presque rien, fit négligemment Richelieu ; ceci… tiens.
Et il développa un écrin de la soie.
— Un écrin ?
— Une misère… un collier de quelques milliers de livres que Sa Majesté, flattée de lui avoir entendu chanter sa chanson favorite, voulait faire accepter à la chanteuse ; c’est dans l’ordre. Mais, puisque ta fille est effarouchée, n’en parlons plus.
— Duc, tu n’y penses pas, ce serait offenser le roi !
— Sans doute que ce serait offenser le roi ; mais est-ce que ce n’est pas toujours le propre de la vertu d’offenser quelqu’un ou quelque chose ?
— Enfin, duc, songes-y, dit Taverney, l’enfant n’est pas si déraisonnable.
— C’est-à-dire que c’est toi et non pas l’enfant qui parle ?
— Oh ! mais, je sais si bien ce qu’elle dira ou fera.
— Les Chinois sont bien heureux, dit Richelieu.