Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/218

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— Pourquoi cela ? dit Taverney stupéfait.

— Parce qu’ils ont beaucoup de canaux et de rivières dans leur pays.

— Duc, tu changes la conversation, ne me mets pas au désespoir ; parle-moi.

— Je te parle, baron, et ne change pas du tout la conversation.

— Pourquoi parler des Chinois ? quel rapport leurs rivières ont-elles avec ma fille ?

— Un fort grand… Les Chinois, te disais-je, ont le bonheur de pouvoir noyer, sans qu’on leur dise rien, les filles qui sont trop vertueuses.

— Allons, voyons, duc, dit Taverney, il faut être juste aussi. Suppose que tu aies une fille.

— Pardieu ! j’en ai une… et si l’on vient me dire qu’elle est trop vertueuse, celle-là… c’est qu’on sera bien méchant !

— Enfin, tu l’aimerais mieux autrement, n’est-ce pas ?

— Oh ! moi, je ne me mêle plus de mes enfants lorsqu’ils ont passé huit ans.

— Au moins, écoute-moi. Si le roi me chargeait d’aller offrir un collier à ta fille, et que ta fille se plaignît à toi ?

— Oh ! mon ami, pas de comparaison. Moi, j’ai toujours vécu à la cour ; toi, tu as vécu en Huron : cela ne peut se ressembler. Ce qui est vertu pour toi, pour moi est sottise ; rien n’est plus disgracieux, vois-tu, sache-le pour ta gouverne, que de venir dire aux gens : « Que feriez-vous en telle ou telle circonstance ? » Et puis, tu te trompes dans tes comparaisons, mon cher. Il ne s’agit pas du tout que j’aille offrir un collier à ta fille.

— Tu me l’as dit…

— Moi, je n’en ai pas dit un mot. J’ai annoncé que le roi m’avait ordonné de prendre chez lui un écrin pour mademoiselle de Taverney, dont la voix lui a plu ; mais je n’ai pas dit une fois que Sa Majesté m’eût chargé de l’offrir a la jeune personne.

— Alors, vraiment, dit le baron au désespoir, je ne sais plus où donner de la tête. Je ne comprends pas un mot, tu parles