Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/220

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— Prends-tu, oui ou non ? dit-il.

Taverney allongea rapidement sa main.

— Comme cela, tu es moral ? dit-il au duc avec un sourire jumeau de celui que Richelieu venait de lui adresser.

— Ne trouves-tu pas, baron, dit le maréchal, qu’il soit d’une moralité pure de faire entremettre le père, le père qui purifie tout, comme tu le disais, entre l’enchantement du monarque et le charme de ta fille ?… Que M. Jean-Jacques Rousseau de Genève, qui rôdait par ici tout à l’heure, nous juge ; il te dira que feu Joseph était impur auprès de moi.

Richelieu prononça ce peu de mots avec un flegme, une noblesse saccadée, un précieux qui imposèrent silence aux observations de Taverney, et l’aidèrent à croire qu’il devait être convaincu.

Il saisit donc la main de son illustre ami, et, la serrant :

— Grâce à ta délicatesse, dit-il, ma fille va pouvoir accepter ce présent.

— Source et origine de cette fortune dont je te parlais au début de notre ennuyeuse discussion sur la vertu.

— Merci, cher duc, merci de tout mon cœur.

— Un mot ; cache bien soigneusement aux amis de du Barry la nouvelle de cette faveur. Madame du Barry serait capable de quitter le roi et de s’enfuir.

— Le roi nous en voudrait ?

— Je ne sais, mais la comtesse ne nous en saurait pas gré. Quant à moi, je serais perdu… sois discret.

— Ne crains rien. Mais porte bien mes humbles remerciements au roi.

— Et ceux de ta fille, je n’y manquerai pas… Mais tu n’es pas au bout de la faveur… C’est toi qui remercieras le roi, mon cher ; Sa Majesté t’invite à souper ce soir.

— Moi ?

— Toi, Taverney ; nous sommes en famille. Sa Majesté, toi, moi, nous causerons de la vertu de ta fille. Adieu, Taverney, je vois du Barry avec M. d’Aiguillon ; il ne faut pas qu’on nous aperçoive ensemble.

Il dit, et, léger comme un page, il disparut au bout de la