Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/234

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vous reconduirai par l’allée couverte. J’ai en effet bien des choses à vous dire, mon frère.

Ces mots étaient pour Nicole un ordre de départ ; elle s’effaça le long du mur et rentra dans la chambre de sa maîtresse, tandis que celle-ci descendait l’escalier avec Philippe.

Andrée descendit l’escalier qui longe la chapelle et sortit par le passage qui aujourd’hui encore mène au jardin ; mais, quoique interrogée incessamment par le regard inquiet de Philippe, elle se tint longtemps suspendue à son bras, laissant s’appuyer sa tête à son épaule sans prononcer une seule parole.

Puis tout à coup son cœur se brisa, ses traits se couvrirent d’une pâleur mortelle, un long sanglot monta jusqu’à ses lèvres, et des flots de larmes obscurcirent ses yeux.

— Ma chère sœur, ma bonne Andrée, s’écria Philippe ; mais, au nom du Ciel, qu’avez-vous donc ?

— Mon ami, mon seul ami, dit Andrée, vous me laissez seule, en ce monde où j’entre d’hier, et vous me demandez pourquoi je pleure ! Ah ! songez-y, Philippe, j’ai perdu ma mère en naissant ; c’est affreux à dire, mais je n’ai jamais eu de père. Tout ce que mon cœur a éprouvé de petits chagrins, tout ce que mon esprit a renfermé de petits secrets, c’est à vous, à vous seul que je les ai confiés. Qui m’a souri ? qui m’a caressée ? qui m’a bercée quand j’étais enfant ? C’est vous. Qui m’a protégée depuis que je suis grandie ? C’est vous. Qui m’a fait croire que les créatures de Dieu n’avaient pas été jetées dans ce monde seulement pour y souffrir ? C’est vous, Philippe, toujours vous. Car enfin je n’ai j’amais aimé rien ni personne, depuis que je suis au monde, excepté vous, et personne non plus ne m’a aimée que vous. Oh ! Philippe ! continua mélancoliquement Andrée, vous détournez la tête, et je lis dans votre pensée. Vous vous dites que je suis jeune, que je suis belle, et que j’ai tort de ne pas compter sur l’avenir et sur l’amour. Hélas ! vous le voyez cependant bien, Philippe, il ne suffit pas d’être belle et d’être jeune, puisque personne ne s’occupe de moi.

« Madame la dauphine est bonne, direz-vous, mon ami. Sans