Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/246

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pouvoir le payer ce qu’il vaut ; car j’y tenterais en vain, le roman étant impayable.

— Ainsi voilà ce que vous me répondez ? balbutia Gilbert le cœur serré, les yeux éteints.

— Je ne vous réponds même pas, monsieur, dit Andrée en le repoussant pour passer devant lui.

En effet, Nicole arrivait, appelant sa maîtresse du bout de l’allée, pour ne pas interrompre trop brusquement l’entretien dont elle ignorait l’interlocuteur, n’ayant pas reconnu Gilbert à travers les ombrages.

Mais, en approchant, elle vit le jeune homme, le reconnut et demeura stupéfaite. Alors elle se repentit bien de n’avoir point fait un détour, afin d’entendre ce que Gilbert avait pu dire à mademoiselle de Taverney.

Alors celle-ci, s’adressant à Nicole d’une voix adoucie, comme pour mieux faire comprendre à Gilbert la hauteur avec laquelle elle lui avait parlé :

— Qu’y a-t-il, mon enfant ? demanda-t-elle.

— M. le baron de Taverney et M. le duc de Richelieu viennent de se présenter pour voir mademoiselle, répondit Nicole.

— Où sont-ils ?

— Chez mademoiselle.

— Venez.

Andrée s’éloigna.

Nicole la suivit, mais non sans jeter en s’en allant un regard ironique sur Gilbert, qui, moins pâle que livide, moins agité que fou, moins colère que forcené, tendit le poing dans la direction de l’allée par où s’éloignait son ennemie, et murmura en grinçant des dents :

— Oh ! créature sans cœur, corps sans âme, je t’ai sauvé la vie, j’ai concentré mon amour, j’ai fait taire tout sentiment qui pouvait offenser ce que j’appellerai ta candeur, car pour moi, dans mon délire, tu étais une vierge sainte, comme la Vierge qui est au ciel… Maintenant, je t’ai vue de près, tu n’es plus qu’une femme, et je suis un homme… Oh ! un jour ou l’autre, je me vengerai, Andrée de Taverney ; je t’ai tenue deux fois entre mes mains, et deux fois je t’ai respectée ; Andrée