— Eh bien, dit-il, vous serez, comme le disait tout à l’heure M. de Richelieu, la reine de Taverney… Le roi vous a distinguée… Madame la dauphine aussi, dit-il vivement ; dans l’intimité de ces augustes personnes, vous bâtirez notre avenir, en leur faisant la vie heureuse… Amie de la dauphine, amie… du roi, quelle gloire !… Vous avez des talents supérieurs et une beauté sans rivale ; vous avez un esprit sain, exempt d’avarice et d’ambition… Oh ! mon enfant, quel rôle vous pouvez jouer ! ― Vous souvient-il de cette petite fille qui adoucit les derniers moments de Charles VI ?… Son nom fut béni en France… ― Vous souvient-il d’Agnès Sorel, qui restitua l’honneur à la couronne de France ? Tous les bons Français vénèrent sa mémoire… Andrée, vous serez le bâton de vieillesse de notre glorieux monarque… Il vous chérira comme sa fille, et vous régnerez en France par le droit de la beauté, du courage et de la fidélité…
Andrée ouvrait ses yeux avec étonnement. Le baron reprit, sans lui laisser le temps de réfléchir :
— Ces femmes perdues, qui déshonorent le trône, vous les chasserez d’un seul regard ; votre présence purifiera la cour. C’est à votre influence généreuse que la noblesse du royaume devra le retour des bonnes mœurs, de la politesse, de la pure galanterie. Ma fille, vous pouvez, vous devez être un astre régénérateur pour ce pays, et une couronne de gloire pour notre nom.
— Mais, dit Andrée étourdie, que me faudra-t-il faire pour cela ?
— Andrée, dit-il, je vous ai dit souvent qu’il faut en ce monde forcer les gens à être vertueux en leur faisant aimer la vertu. La vertu renfrognée, triste et psalmodiant des sentences, fait fuir ceux même qui voudraient le plus ardemment s’approcher d’elle. Donnez à la vôtre toutes les amorces de la coquetterie, du vice même. Cela est facile à une fille spirituelle et forte comme vous l’êtes. Faites-vous si belle, que la cour ne parle que de vous ; faites-vous si agréable aux yeux du roi, qu’il ne puisse se passer de vous ; faites-vous si secrète, si réservée pour tous, excepté pour Sa Majesté, qu’on vous