cette force de volonté qui ne connaît point d’obstacles, il lui ordonna de dormir.
Puis, à travers une gerçure presque imperceptible de la boiserie, comme s’il eût douté de lui-même ou comme s’il eût cru avoir besoin de redoubler de précautions, il regarda.
Lorenza était endormie sur un canapé, où, chancelant sans doute sous la volonté de son dominateur, elle était allée chercher un appui. Un peintre n’eût certes pas pu trouver pour elle une attitude plus poétique. Tourmentée et haletante sous le poids du rapide fluide que Balsamo lui avait envoyé, Lorenza ressemblait à une de ces belles Arianes de Vanloo, dont la poitrine est gonflée, le torse plein d’ondulations et de secousses, la tête perdue de désespoir ou de fatigue.
Balsamo entra donc par son passage habituel et s’arrêta devant elle pour la contempler, mais aussitôt il la réveilla : elle était trop dangereuse ainsi.
À peine eut-elle ouvert les yeux qu’elle laissa un éclair jaillir de ses prunelles ; puis, comme pour asseoir ses idées encore fluctuantes, elle lissa ses cheveux avec la paume de ses deux mains, étancha ses lèvres humides d’amour, et, fouillant profondément sa mémoire, rassembla ses souvenirs disséminés.
Balsamo la regardait avec une sorte d’anxiété. Il était habitué depuis longtemps au brusque passage de la douceur amoureuse à un élan de colère et de haine. La réflexion de ce jour, réflexion à laquelle il n’était pas habitué, le sang-froid avec lequel Lorenza le recevait, au lieu de ces élans de haine accoutumée, lui annonçaient pour cette fois, quelque chose de plus sérieux peut-être que tout ce qu’il avait vu jusque-là.
Lorenza se redressa donc, et secouant la tête en levant son long regard velouté vers Balsamo :
— Veuillez, lui dit-elle, vous asseoir près de moi, je vous prie.
Balsamo tressaillit à cette voix pleine d’une douceur inaccoutumée.
— M’asseoir ? dit-il. Tu sais bien, ma Lorenza, que je n’ai qu’un désir, c’est de passer ma vie à tes genoux.
— Monsieur, reprit Lorenza du même ton, je vous prie de