Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/268

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Taverney était, disait-il, charmé de cette liberté d’Andrée pour causer avec elle de tant de choses intéressant leur fortune et leur renommée. Sur cette observation, Richelieu proposa de se retirer pour laisser le père et la fille dans une intimité plus grande encore, ce que mademoiselle de Taverney ne voulut point accepter. Richelieu demeura donc.

Richelieu était dans sa veine de moralité ; il peignit fort éloquemment le malheur dans lequel était tombée la noblesse de France, forcée de subir le joug ignominieux de ces favorites de hasard, de ces reines de contrebande, au lieu d’avoir à encenser les favorites d’autrefois, presque aussi nobles que leurs augustes amants, ces femmes qui régnaient sur le prince par leur beauté et par leur amour, et sur les sujets par leur naissance, leur esprit et leur patriotisme, loyal et pur.

Andrée fut surprise de rencontrer tant d’analogie entre les paroles de Richelieu et celles que le baron de Taverney lui faisait entendre depuis quelques jours.

Richelieu se lança ensuite dans une théorie de la vertu, théorie si spirituelle, si païenne, si française, que mademoiselle de Taverney fut forcée de convenir qu’elle n’était pas vertueuse le moins du monde d’après les théories de M. de Richelieu, et que la véritable vertu, comme l’entendait le maréchal, était celle de madame de Châteauroux, de mademoiselle de La Vallière et de mademoiselle de Fosseuse.

De déductions en déductions, de preuves en preuves, Richelieu devint si clair, qu’Andrée n’y comprit plus rien.

La conversation demeura sur ce pied jusqu’à sept heures du soir à peu près.

À sept heures du soir, le maréchal se leva : il était forcé, disait-il, d’aller faire sa cour au roi, à Versailles.

En allant et en venant par la chambre pour prendre son chapeau, il rencontra Nicole, qui avait toujours quelque chose à faire là où se trouvait M. de Richelieu.

— Petite, lui dit-il en lui frappant sur l’épaule, tu me reconduiras, je veux que tu portes un bouquet que madame de Noailles a fait cueillir dans ses parterres et qu’elle envoie à madame la comtesse d’Egmont.