Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/280

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restée seule. Or, une fois seule, la jeune fille avait fermé ses rideaux.

Gilbert regardait, ou plutôt, selon son habitude, dévorait Andrée de sa mansarde. Seulement, il eût été difficile de dire si les regards qu’il fixait sur la jeune fille étincelaient d’amour ou de haine.

Les rideaux tirés, Gilbert n’eut plus rien à voir. En conséquence, il regarda d’un autre côté.

En regardant d’un autre côté, il aperçut le plumet de M. de Beausire et reconnut l’exempt qui se promenait en sifflotant un petit air pour tromper l’ennui de l’attente.

Au bout de dix minutes, c’est-à-dire à sept heures quarante minutes, Nicole parut : elle échangea quelques mots avec M. de Beausire, lequel fit un mouvement de tête en signe qu’il comprenait parfaitement, et s’éloigna dans la direction de l’allée creuse qui conduit au petit Trianon.

De son côté, Nicole retourna sur ses pas, légère comme un oiseau.

— Ah ! ah ! fit Gilbert, M. l’exempt et mademoiselle la femme de chambre ont quelque chose à dire ou à faire, pour laquelle chose ils craignent les témoins : bon !

Gilbert n’était plus curieux au sujet de Nicole ; seulement, sentant dans la jeune fille une ennemie naturelle, il cherchait à réunir contre sa moralité une masse de preuves avec laquelle il pût victorieusement repousser l’attaque si Nicole l’attaquait.

Gilbert ne doutait pas que la campagne dût s’ouvrir d’un moment à l’autre, et, en soldat prévoyant, il amassait des munitions de guerre.

Un rendez-vous de Nicole avec un homme, dans Trianon même, c’était une de ces armes qu’un ennemi aussi intelligent que Gilbert ne pouvait négliger de ramasser, surtout quand on avait, comme le faisait Nicole, l’imprudence de la laisser tomber à ses pieds. Gilbert voulut en conséquence recueillir le témoignage des oreilles pour l’ajouter à celui des yeux, et saisir au vol quelque phrase bien compromettante qu’il pût victorieusement braquer sur la jeune fille au moment du combat.