Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/281

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Il descendit donc prestement de sa mansarde, prit le couloir des cuisines et gagna le jardin par le petit escalier de la chapelle ; une fois dans le jardin, Gilbert n’avait plus rien à craindre, il en connaissait tous les retraits, comme un renard connaît son fourré.

Il se glissa donc sous les tilleuls, puis le long de l’espalier, puis il atteignit un massif qui s’élevait à vingt pas de l’endroit où il comptait retrouver Nicole.

Nicole y était en effet.

À peine Gilbert était-il installé dans son massif, qu’un bruit étrange parvint à son oreille : c’était le bruit de l’or sur la pierre, c’était ce retentissement métallique dont rien, sinon la réalité, ne peut donner une idée juste.

Gilbert se glissa comme un serpent jusqu’au mur en terrasse surmonté d’une haie de lilas, laquelle, au mois de mai, répandait son parfum et secouait ses fleurs sur les passants qui plongeaient le mur de cette allée creuse qui sépare le grand Trianon du petit.

Arrivé à ce point, les regards de Gilbert, habitués à l’obscurité, virent Nicole qui vidait sur une pierre, en deçà de la grille, et prudemment placée hors de la portée de la main de M. de Beausire, la bourse donnée par M. de Richelieu.

Les gros louis en ruisselaient bondissants et reluisants, tandis que M. de Beausire, l’œil allumé et la main tremblante, regardait attentivement Nicole et les louis sans comprendre comment l’une possédait les autres.

Nicole parla.

— Plus d’une fois, dit-elle, vous m’avez proposé de m’enlever, mon cher monsieur de Beausire.

— Et de vous épouser même ! s’écria l’exempt tout enthousiasmé.

— Oh ! quant à ce dernier point, mon cher monsieur, dit la jeune fille, nous le discuterons plus tard : pour le moment, fuir est le principal. Pouvons-nous fuir dans deux heures ?

— Dans dix minutes, si vous voulez.

— Non pas ; j’ai quelque chose à faire auparavant, et ce que j’ai à faire demande deux heures.