— Oui, oui, continua Richelieu en se frottant les mains, à six heures. Bravo, d’Aiguillon !
— Il faut que l’audience ait commencé à cinq heures… La nuit ! c’est miraculeux !…
— C’est miraculeux !… répéta le maréchal. Miraculeux en effet, mon cher Jean !
— Et vous voilà tous trois comme Oreste, Pylade, et encore un autre Pylade.
À ce moment, et lorsque le maréchal se frottait le plus joyeusement les mains, d’Aiguillon entra dans le salon.
Le neveu salua l’oncle d’un air de condoléance qui suffit à Richelieu, sinon pour comprendre toute la vérité, du moins pour en deviner la meilleure partie.
Il pâlit comme s’il eut reçu une blessure mortelle : l’idée lui vint tout de suite qu’à la cour il n’y a ni amis, ni parents, et que chacun prend son avantage.
— J’étais un grand sot, se dit-il.
— Eh bien, d’Aiguillon ? fit-il en étouffant un gros soupir.
— Eh bien, monsieur le maréchal ?
— C’est un fier coup pour les parlements, dit Richelieu en reprenant toutes les paroles de Jean.
D’Aiguillon rougit.
— Vous savez ? dit-il.
— M. le vicomte m’a tout appris, répliqua Richelieu, même votre visite à Luciennes, votre nomination est un triomphe pour ma famille.
— Croyez bien, monsieur le maréchal, à tout mon regret.
— Que diable dit-il là ? fit Jean qui se croisait les bras.
— Nous nous entendons, interrompit Richelieu, nous nous entendons.
— C’est différent ; mais, moi, je ne vous comprends pas… des regrets… Ah ! mais oui… parce qu’il ne sera pas reconnu ministre tout de suite ; oui, oui… très bien.
— Ah ! il y aura un intérim, fit le maréchal, qui sentit au fond de son cœur rentrer l’espoir.
— Un intérim, oui, monsieur le maréchal.