— Mais, en attendant, s’écria Jean, il est assez payé comme cela… Le plus beau commandement de Versailles.
— Ah ! fit Richelieu, percé d’une nouvelle blessure, il y a un commandement ?
— M. Dubarry exagère peut-être un peu, dit le duc d’Aiguillon.
— Mais enfin, qu’est-ce que ce commandement ?
— Les chevau-légers du roi.
Richelieu sentit encore la pâleur envahir ses joues ridées.
— Oh ! oui, dit-il avec un sourire dont rien ne saurait rendre l’expression, oui, c’est bien peu de chose pour un homme aussi charmant ; mais que voulez-vous, duc ! la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a, fût-elle la maîtresse du roi.
Ce fut au tour de d’Aiguillon à pâlir.
Jean regardait les beaux Murillo du maréchal.
Richelieu frappa sur l’épaule de son neveu en lui disant :
— Heureusement que vous avez promesse d’un avancement prochain. Mes compliments, duc… Mes bien sincères compliments… Votre adresse, votre habileté dans les négociations égalent votre bonheur… Adieu, j’ai affaire ; ne m’oubliez pas dans vos faveurs, mon cher ministre.
D’Aiguillon répondit seulement :
— Vous, c’est moi, monsieur le maréchal ; moi, c’est vous.
Et, saluant son oncle, il sortit, gardant la dignité qui lui était naturelle, et se sauvant d’une des plus difficiles positions qu’il eût abordées en sa vie, semée de tant de difficultés.
— Ce qu’il y a de bon, se hâta de dire Richelieu, lorsqu’il fut parti, à Jean qui ne savait trop à quoi s’en tenir sur l’échange de politesse du neveu et de l’oncle ; ce qu’il y a d’admirable dans d’Aiguillon, c’est sa naïveté. Il est homme d’esprit et candide ; il sait la cour, et il est honnête comme une jeune fille.
— Et puis il vous aime, dit Jean.
— Comme un mouton.
— Eh ! mon Dieu, dit Jean, c’est plutôt votre fils que M. de Fronsac.