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CXXII

LA VOLONTÉ.


Nous avons vu partir Balsamo.

Djérid l’emportait avec la rapidité de l’éclair. Le cavalier, pâle d’impatience et de terreur, couché sur la crinière flottante, aspirait de ses lèvres entrouvertes l’air, l’air qui se divisait devant le poitrail du coursier comme l’eau se fend sous la proue rapide.

Derrière lui, comme des visions fantastiques, disparaissaient les arbres et les maisons. À peine s’il apercevait, en passant, la lourde charrette gémissant sur son essieu dont les cinq chevaux pesants s’effarouchaient à l’approche de ce météore vivant, qu’ils ne pouvaient comprendre appartenir à la même race qu’eux.

Balsamo fit ainsi une lieue à peu près, avec un cerveau tellement enflammé, des yeux si étincelants, un souffle si embrasé et si sonore, que les poètes de ce temps-ci l’eussent comparé aux redoutables génies gros de feu et de vapeur qui animent ces lourdes machines fumantes, et les font voler sur un chemin de fer.

Cheval et cavalier avaient traversé Versailles en quelques secondes ; les rares habitants égarés dans ses rues avaient vu passer une traînée d’étincelles, voilà tout.

Balsamo courut une lieue encore ; Djérid n’avait pas mis un quart d’heure à dévorer ces deux lieues, et ce quart d’heure avait été un siècle.

Tout à coup, une pensée traversa son esprit. Il arrêta court, sur ses jarrets nerveux, le coursier aux muscles de fer. Djérid, en s’arrêtant, plia sur ses jambes de derrière et enfonça les pieds de devant dans le sable.