Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/303

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Coursier et cavalier respirèrent un instant. Tout en respirant, Balsamo releva la tête.

Puis il passa un mouchoir sur ses tempes ruisselantes, et les narines dilatées au souffle de la brise, il laissa tomber dans la nuit les paroles suivantes :

— Oh ! pauvre insensé que tu es, ni la course de ton cheval, ni l’ardeur de ton désir n’atteindront jamais l’instantanéité de la foudre ou la rapidité de l’étincelle électrique, et cependant c’est cela qu’il te faut pour conjurer le malheur suspendu sur ta tête ; il te faut l’effet rapide, le coup immédiat, le choc tout-puissant qui paralyse les jambes dont tu redoutes l’action, la langue dont tu crains l’essor ; il te faut, à distance, ce sommeil vainqueur qui te rende la possession de l’esclave qui a rompu sa chaîne. Oh ! si elle rentre jamais en ma puissance…

Et Balsamo fit, en grinçant des dents, un geste désespéré.

— Oh ! tu as beau vouloir, Balsamo, tu as beau courir, s’écria-t-il, Lorenza est déjà arrivée : elle va parler ; elle a parlé, peut-être. Oh ! misérable femme ! oh ! tous les supplices seront trop doux pour te punir.

« Voyons, voyons, continua Balsamo le sourcil froncé, les yeux fixes, le menton dans la paume de sa main, voyons : la science est un mot ou un fait ; la science peut ou ne peut pas ; moi, je veux !… Essayons… Lorenza ! Lorenza ! je veux que tu dormes ; Lorenza, en quelque endroit que tu sois, dors, dors, je le veux, j’y compte !

« Oh ! non, non, murmura-t-il avec découragement ; non, je mens ; non, je n’y crois pas, non, je n’ose y compter, et cependant la volonté est tout. Oh ! je veux bien fermement cependant, je veux de toutes les puissances de mon être. Fends les airs, ô ma volonté suprême, traverse tous les courants de volontés antipathiques ou indifférentes ; traverse les murailles que tu dois traverser comme un boulet ; poursuis-la partout où elle est ; va, frappe, anéantis. Lorenza, Lorenza, je veux que tu dormes ! Lorenza, je veux que tu sois muette ! »

Et il tendit quelques instants sa pensée vers ce but, l’imprimant dans son cerveau comme pour lui donner plus d’élan quand elle jaillirait vers Paris ; et après cette opération mystérieuse,