Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/306

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une femme d’Orient que comme une Européenne, c’est-à-dire toujours amplement, toujours somptueusement, ressemblant bien peu à ces charmantes poupées serrées comme des guêpes dans un long corsage et toutes frissonnantes de soie et de mousseline, sous lesquelles on cherchait presque inutilement un corps, tant leur ambition était de paraître immatérielles.

Lorenza n’avait donc conservé ou plutôt adopté du costume des Françaises d’alors que les souliers à talon de deux pouces de haut, cette impossible chaussure qui faisait cambrer le pied, ressortir la délicatesse des chevilles, et qui, dans ce siècle tant soit peu mythologique, rendait la fuite impossible aux Aréthuses poursuivies par les Alphées.

L’Alphée qui poursuivait notre Aréthuse la joignit donc facilement ; il avait vu ses jambes divines sous ses jupes de satin et de dentelles, ses cheveux sans poudre et ses yeux brillant d’un feu étrange sous un mantelet roulé autour de la tête et du col ; il crut voir dans Lorenza une femme déguisée, soit pour quelque mascarade, soit pour quelque rendez-vous d’amour, et se rendant à pied, faute de fiacre, à quelque petite maison du faubourg.

Il s’approcha donc, et se plaçant à côté de Lorenza le chapeau à la main :

— Mon Dieu ! madame, dit-il, vous ne sauriez aller loin ainsi, avec cette chaussure qui retarde votre marche ; voulez-vous accepter mon bras jusqu’à ce que nous trouvions une voiture, et j’aurai l’honneur de vous accompagner où vous allez.

Lorenza tourna la tête avec brusquerie, regarda de son œil noir et profond celui qui lui faisait une offre qui à bon nombre de femmes eût paru une impertinence, et s’arrêtant :

— Oui, dit-elle, je le veux bien.

Le jeune homme tendit galamment le bras.

— Où allons-nous, madame ? demanda-t-il.

— À l’hôtel de la lieutenance de police.

Le jeune homme tressaillit.

— Chez M. de Sartine ? demanda-t-il.

— Je ne sais s’il s’appelle M. de Sartine ; mais, je veux parler à celui qui est lieutenant de police.