Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/310

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régent pour renfermer des secrets chimiques ou politiques, avait été donné par le prince à Dubois, et laissé par Dubois à M. Dombreval, lieutenant de police ; c’est de ce dernier que M. de Sartine tenait le meuble et le secret ; toutefois, M. de Sartine n’avait consenti à s’en servir qu’après la mort du donateur, et encore avait-il fait changer toutes les dispositions de la serrure. Ce meuble avait quelque réputation de par le monde, et fermait trop bien, disait-on, pour que M. de Sartine n’y renfermât que ses perruques.

Les frondeurs, et il y en avait un bon nombre à cette époque, disaient que, si on avait pu lire à travers les panneaux de ce meuble, on eût bien certainement trouvé dans l’un de ces tiroirs ces fameux traités en vertu desquels Sa Majesté Louis XV agiotait sur les blés, par l’intermédiaire de son agent dévoué, M. de Sartine.

M. le lieutenant de police vit donc dans la glace en biseau se refléter la pâle et sérieuse figure de Lorenza, qui s’avançait vers lui, son coffret sous le bras.

Au milieu du cabinet, la jeune femme s’arrêta. Ce costume, cette figure, cette démarche frappèrent le lieutenant.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-il sans se retourner, mais en regardant dans la glace ; que me voulez-vous ?

— Suis-je, répondit Lorenza, devant M. de Sartine, lieutenant de police ?

— Oui, répondit brièvement celui-ci.

— Qui me l’affirme ?

M. de Sartine se retourna.

— Sera-ce une preuve pour vous que je suis l’homme que vous cherchez, dit-il, si je vous envoie en prison ?

Lorenza ne répliqua point.

Seulement, elle regarda autour d’elle avec cette inexprimable dignité des femmes de son pays, pour chercher le siège que M. de Sartine ne lui offrait pas.

Il fut vaincu par ce seul regard, car c’était un homme assez bien élevé que M. le comte d’Alby de Sartine.

— Asseyez-vous, dit-il brusquement.