Lorenza tira un fauteuil à elle et s’assit.
— Parlez vite, fit le magistrat ; voyons, que voulez-vous ?
— Monsieur, dit la jeune femme, je viens me mettre sous votre protection.
M. de Sartines la regarda de ce regard narquois qui lui était particulier.
— Ah ! ah ! fit-il.
— Monsieur, continua Lorenza, j’ai été enlevée à ma famille et soumise, par un mariage menteur, à un homme qui, depuis trois ans, m’opprime et me fait mourir de douleur.
M. de Sartines regarda cette noble physionomie, et se sentit remué par cette voix d’un accent si doux, qu’on eût dit un chant.
— De quel pays êtes-vous ? demanda-il.
— Romaine.
— Comment vous appelez-vous ?
— Lorenza.
— Lorenza qui ?
— Lorenza Feliciani.
— Je ne connais pas cette famille-là. Êtes-vous demoiselle ?
Demoiselle, on le sait, signifiait, à cette époque, fille de qualité. De nos jours, une femme se trouve assez noble du moment où elle se marie ; elle ne tient plus qu’à être appelée madame.
— Je suis demoiselle, dit Lorenza.
— Après ? Vous demandez ?…
— Eh bien ! je demande justice de cet homme, qui m’a incarcérée, séquestrée.
— Cela ne me regarde pas, dit le lieutenant de police ; vous êtes sa femme.
— Il le dit, du moins.
— Comment, il le dit ?
— Oui, mais je ne m’en souviens point, moi, le mariage ayant été contracté pendant mon sommeil.
— Peste ! vous avez le sommeil dur.