Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/51

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noirs, il la brûla aux bougies et en recueillit la cendre dans le papier qui avait enveloppé les cheveux de la dauphine.

Alors il redescendit, et, tout en marchant, réveilla la jeune femme.

Le prélat, tout ému d’impatience, attendait, doutait.

— Eh bien, monsieur le comte ? dit-il.

— Eh bien, monseigneur…

— L’oracle ?

— L’oracle a dit que vous pouviez espérer.

— Il a dit cela ? s’écria le prince transporté.

— Concluez, du moins, comme il vous plaira, monseigneur, l’oracle ayant dit que cette femme n’aimait pas son mari.

— Oh ! fit M. de Rohan avec un transport de joie.

— Quant aux cheveux, dit Balsamo, il m’a fallu les brûler pour obtenir la révélation par l’essence ; en voici les cendres que je vous rends scrupuleusement après les avoir recueillies, comme si chaque parcelle valait un million.

— Merci, monsieur, merci, je ne pourrai jamais m’acquitter envers vous.

— Ne parlons pas de cela, monseigneur. Une seule recommandation, dit-il : n’allez pas avaler les cendres dans du vin, comme font quelquefois les amoureux ; c’est d’une sympathie si dangereuse que votre amour deviendrait incurable, tandis que le cœur de l’amante se refroidirait !

— Ah ! je n’aurai garde, dit le prélat presque épouvanté. Adieu, monsieur le comte, adieu.

Vingt minutes après, le carrosse de Son Éminence croisait au coin de la rue des Petits-Champs la voiture de M. de Richelieu, qu’elle faillit renverser dans un de ces trous énormes creusés par la construction d’une maison.

Les deux seigneurs se reconnurent.

— Eh ! prince ! dit Richelieu avec un sourire.

— Eh ! duc ! répliqua M. Louis de Rohan avec un doigt sur sa bouche.

Et ils furent transportés en sens inverse.