Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/71

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Voilà du moins ce que pensa Nicole. Aussi, pour ne pas manquer, elle qui étudiait si consciencieusement, d’étudier un visage d’impertinent, elle s’attacha, au moindre tour qu’elle faisait dans la chambre d’Andrée, à revenir près de la fenêtre donner son coup d’œil à la mansarde, c’est-à-dire à cet œil ouvert qui lui manquait de respect en la privant de son regard, faute de prunelles. Une fois, elle crut remarquer qu’on avait fui lorsqu’elle approchait… Cela n’était pas croyable, elle ne le crut pas.

Une autre fois, elle en fut à peu près sûre, ayant vu le dos du fugitif, surpris par un retour plus prompt qu’il ne s’y attendait.

Alors Nicole usa de ruse : elle se cacha derrière le rideau, en laissant la fenêtre toute grande ouverte, afin de ne donner aucun soupçon.

Elle attendit longtemps, mais enfin des cheveux noirs apparurent, puis des mains craintives qui soutenaient en arc-boutant un corps penché avec précaution ; enfin la figure se montra distinctement à découvert : Nicole faillit tomber à la renverse et chiffonna tout le rideau.

C’était la figure de M. Gilbert, qui regardait là du haut de cette mansarde.

Gilbert, en voyant le rideau trembler, comprit la ruse et ne reparut plus.

Bien mieux, la fenêtre de la mansarde se ferma.

Nul doute, Gilbert avait vu Nicole ; il avait été stupéfait. Il avait voulu se convaincre de la présence de cette ennemie, et, se voyant découvert lui-même, il avait fui, plein de trouble et de colère.

Voilà du moins comment Nicole interpréta la scène, et elle avait bien raison : c’était bien ainsi qu’il convenait de l’interpréter.

En effet, Gilbert eût mieux aimé voir le diable que de voir Nicole ; il se forgea mille terreurs de l’arrivée de cette surveillante. Il avait contre elle un vieux levain de jalousie ; elle savait son secret du jardin de la rue Coq-Héron.

Gilbert s’enfuit avec trouble, non pas seulement avec trouble,