Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/81

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à Trianon parler à Nicole. Il ne risquait rien, ou croyait ne rien risquer, sachant M. le duc d’Aiguillon au pavillon de Luciennes.

Il résulta de cette manœuvre que si M. d’Aiguillon se douta de quelque chose, il ne put, du moins, prévenir le coup dont il était menacé, faute de rencontrer l’épée de son ennemi.

Le délai de jeudi le satisfit ; il partit ce jour-là de Versailles avec l’espoir de rencontrer enfin et combattre cet antagoniste impalpable.

C’était, nous l’avons dit, le jour où le parlement venait de rendre son arrêt.

Une fermentation sourde encore, mais parfaitement intelligible pour le Parisien, qui connaît si bien le niveau de ses ondes, régnait dans les grandes rues que traversa le carrosse de M. d’Aiguillon.

On ne fit pas attention à lui, car il avait eu la précaution de voyager dans une voiture sans armes, avec deux grisons, comme s’il allait en bonne fortune.

Il vit bien çà et là des gens affairés qui se montraient un papier, le lisaient avec force gesticulations et tourbillonnaient en groupes comme des fourmis autour d’une parcelle de sucre tombée à terre ; mais c’était le temps des agitations inoffensives : le peuple se groupait ainsi pour une taxe sur les blés, pour un article de Gazette de Hollande, pour un quatrain de Voltaire ou pour une chanson contre la du Barry ou M. de Maupeou.

M. d’Aiguillon toucha droit à l’hôtel de M. de Richelieu. Il n’y trouva que Rafté.

— M. le maréchal, répondit celui-ci, était attendu d’un instant à l’autre ; un retard de poste le retenait sans doute aux barrières.

M. d’Aiguillon proposa d’attendre, tout en manifestant quelque mauvaise humeur à Rafté, car il prenait l’excuse pour une nouvelle défaite.

Ce fut bien pis lorsque Rafté lui répondit que le maréchal serait au désespoir, quand il rentrerait, qu’on eût fait attendre