Rafté lut à son tour ce billet ; il était écrit de la main même du duc d’Aiguillon, et conçu en ces termes :
« Mon cher oncle,
« Votre bon conseil a porté ses fruits : j’ai confié mes chagrins à cette excellente amie de notre maison, madame la comtesse du Barry, qui a bien voulu déposer ma confidence dans le sein de Sa Majesté. Le roi s’est indigné des violences que me font MM. du parlement, à moi qui me suis employé si fidèlement à son service, et, dans son conseil de ce jour même, Sa Majesté a cassé l’arrêt du parlement, et m’a enjoint de continuer mes fonctions de pair de France.
« Je vous envoie, mon cher oncle, sachant bien tout le plaisir que vous fera cette nouvelle, la teneur de la décision que Sa Majesté a prise en conseil aujourd’hui. Je l’ai fait copier par un secrétaire, et vous en avez notification avant qui que ce soit au monde.
« Veuillez croire à mon tendre respect, mon cher oncle, et me continuer vos bonnes grâces et vos bons conseils.
— Il se moque de moi par-dessus le marché, s’écria Richelieu.
— Ma foi, je crois que oui, monseigneur.
— Le roi ! le roi ! qui se jette dans le guêpier.
— Vous ne vouliez pas le croire hier.
— Je n’ai pas dit qu’il ne s’y jetterait pas, monsieur Rafté, j’ai dit qu’il s’en tirerait… Or, tu vois qu’il s’en tire.
— Le fait est que le parlement est battu.
— Et moi aussi !
— Pour le moment, oui.
— Pour toujours ! hier, je le pressentais, et tu m’as tant consolé, qu’il ne pouvait manquer de m’arriver des désagréments.
— Monseigneur, vous vous découragez un peu tôt, ce me semble.
— Maître Rafté, vous êtes un niais. Je suis battu et je paierai