Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/92

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l’amende. Vous ne comprenez peut-être pas tout ce qu’il y a de désagréable pour moi à être la risée de Luciennes ; à l’heure qu’il est, le duc me raille dans les bras de madame du Barry. Mademoiselle Chon et M. Jean du Barry font des gorges chaudes à mon endroit, le négrillon se bourre de bonbons en me faisant la nique. Corbleu ! j’ai bon caractère, mais tout cela me rend furieux.

— Furieux, monseigneur ?

— J’ai dit le mot, furieux !

— Alors il ne fallait pas faire ce que vous avez fait, répliqua philosophiquement Rafté.

— Vous m’y avez poussé, monsieur le secrétaire.

— Moi ?

— Oui, vous.

— Eh ! qu’est-ce que cela me fait que M. d’Aiguillon soit ou ne soit pas pair de France, je vous le demande, monseigneur ? Votre neveu ne me fait pas tort, ce me semble.

— Monsieur Rafté, vous êtes un impertinent.

— Il y a quarante-neuf ans que vous me le dites, monseigneur.

— Et je vous le répéterai encore.

— Pas quarante-neuf ans, voilà ce qui me rassure.

— Rafté, si c’est comme cela que vous prenez mes intérêts !…

— Les intérêts de vos petites passions, non, monsieur le duc, jamais… Vous faites, tout homme d’esprit que vous êtes, des sottises que je ne pardonnerais pas à un cuistre tel que moi.

— Expliquez-vous, monsieur Rafté, et si j’ai tort, je l’avouerai.

— Il vous a fallu hier une vengeance, n’est-ce pas ? Vous avez voulu voir l’humiliation de votre neveu, vous avez voulu apporter en quelque sorte l’arrêt du parlement et compter les tressaillements et les palpitations de votre victime, comme dit M. de Crébillon le fils. Eh bien, monsieur le maréchal, ces spectacles-là se paient gros ; ces satisfactions-là coûtent cher… Vous êtes riche, payez, monsieur le maréchal, payez !