Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/93

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— Qu’eussiez-vous fait à ma place, vous, monsieur le bel esprit ? Voyons.

— Rien… j’eusse attendu sans donner signe de vie ; mais il vous démangeait d’opposer le parlement à la du Barry, du moment où la du Barry trouvait M. d’Aiguillon plus jeune que vous.

Un grognement du maréchal fut sa réponse.

— Eh bien, poursuivit Rafté, le parlement était assez soufflé par vous pour faire ce qu’il a fait ; l’arrêt lancé, vous offriez vos services à votre neveu, qui ne se fût douté de rien.

— Cela est bel et bon, et j’admets que j’aie eu tort, mais alors vous deviez m’avertir.

— Moi empêcher de faire le mal ?… Vous me prenez pour un autre, monsieur le maréchal ; vous répétez à tout venant que je suis votre créature, que vous m’avez dressé, et vous voudriez que je ne fusse pas ravi de voir se faire une sottise ou arriver un malheur ?… Allons donc !

— Il arrivera un malheur, alors, monsieur le sorcier ?

— Certainement.

— Lequel ?

— C’est que vous vous entêterez, et que M. d’Aiguillon prendra le joint entre le parlement et madame du Barry ; ce jour-là, il sera ministre, et vous, exilé… ou à la Bastille.

Le maréchal renversa de fureur tout le contenu de sa tabatière sur le tapis.

— À la Bastille ! dit-il en haussant les épaules : est-ce que Louis XV est Louis XIV ?

— Non ; mais madame du Barry, doublée de M. d’Aiguillon, vaudra madame de Maintenon. Prenez-y garde, et je ne sache pas aujourd’hui de princesse du sang qui vous y aille porter des bonbons et la petite oie.

— Voilà bien des pronostics, répliqua le maréchal après un long silence… Vous lisez dans l’avenir, mais, pour le présent, s’il vous plaît ?

— Monsieur le maréchal est trop sage pour qu’on lui donne des conseils.