— Dis donc, monsieur le drôle, ne vas-tu pas aussi te moquer de moi ?…
— Faites attention, monsieur le maréchal, que vous confondez les dates ; on n’appelle plus drôle un homme passé quarante ans ; j’en ai soixante-sept.
— N’importe… sors-moi de là, et… vite !… vite !…
— Par un conseil ?
— Par ce que tu voudras.
— Il n’est pas temps encore.
— Décidément, tu fais le plaisant.
— Plût à Dieu !… Si je faisais le plaisant, c’est que la circonstance serait plaisante… et malheureusement elle ne l’est pas.
— Qu’est-ce que cette défaite : il n’est pas temps ?
— Non, monseigneur, il n’est pas temps. Si la notification de l’arrêté du roi était parvenue à Paris, je ne dis pas… Voulez-vous que nous expédiions un courrier à M. le président d’Aligre ?
— Pour qu’on se moque plus tôt de nous !…
— Quel amour-propre ridicule, monsieur le maréchal, vous feriez perdre la tête à un saint… Tenez, laissez-moi finir mon plan de descente en Angleterre, et achevez de vous noyer dans votre intrigue de portefeuille, puisque la besogne est à moitié faite.
Le maréchal connaissait les humeurs noires de M. Rafté ; il savait qu’une fois sa mélancolie déclarée, le secrétaire n’était plus bon à toucher avec des pincettes.
— Voyons, ne me boude pas, dit-il, et, si je ne comprends pas, fais-moi comprendre.
— Alors, monseigneur veut que je lui trace un plan de conduite ?
— Certainement, puisque tu prétends que je ne sais pas me conduire moi-même.
— Eh bien, soit ! écoutez donc.
— J’écoute.
— Vous enverrez à M. d’Aligre, dit Rafté d’un ton bourru, la lettre de M. d’Aiguillon, vous y joindrez l’arrêté pris par le