Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/97

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ne pas s’entendre appeler madame Flageot par les voisines, et de ne pas être respectée par les clercs de maître Guildou, passés au service du nouveau procureur.

On devine ce que M. de Richelieu souffrait en traversant Paris, le Paris nauséabond de cette zone, pour aborder à ce trou punais [1] que l’édilité parisienne décorait du nom de rue.

Devant la porte de maître Flageot, le carrosse de M. de Richelieu fut arrêté par un autre carrosse qui s’arrêtait aussi. Le maréchal aperçut une coiffure de femme qui descendait de cette voiture, et, comme ses soixante-quinze ans ne l’avaient pas rebuté du métier de galant, il se hâta de plonger ses pieds dans la boue noire, pour aller offrir la main à cette dame qui descendait seule.

Mais, ce jour-là, le maréchal jouait de malheur : une jambe sèche et rugueuse qui s’allongea sur le marchepied trahit une vieille femme. Un visage ridé, tanné sous une ligne de rouge, acheva de lui prouver que cette femme était non seulement vieille, mais décrépite.

Il n’y avait cependant pas à reculer, le maréchal avait fait le mouvement, et le mouvement avait été vu ; d’ailleurs, M. de Richelieu n’était pas jeune. Cependant la plaideuse, car quelle femme à voiture fût venue en cette rue, si elle n’eût été une plaideuse ! cependant, disons-nous, la plaideuse n’imita point l’hésitation du duc ; elle déposa avec un horrible sourire sa patte dans la main de Richelieu.

— J’ai vu cette figure-là quelque part, dit tout bas le maréchal.

Et tout haut :

— Est-ce que Madame monte aussi chez maître Flageot ? demanda-t-il.

— Oui, monsieur le duc, répliqua la vieille.

— Oh ! j’ai l’honneur d’être connu de vous, madame ! s’écria le duc, désagréablement surpris, en s’arrêtant sur le seuil de l’allée noire.

— Qui ne connaît M. le maréchal duc de Richelieu ? fut-il répondu ; il faudrait ne pas être femme.

  1. Puant, qui sent mauvais.