— Cette vieille croit donc qu’elle est une femme ! murmura le vainqueur de Mahon.
Et il salua le plus gracieusement du monde.
— Si j’osais demander à mon tour, ajouta-t-il, à qui j’ai l’honneur de parler ?
— Je suis la comtesse de Béarn, votre servante, répondit la vieille en faisant une révérence de cour sur le plancher boueux de l’allée, à trois pouces d’une trappe de cave ouverte, dans laquelle le maréchal s’attendait méchamment à la voir disparaître à son troisième plié.
— Enchanté, madame, ravi, dit-il, et je rends mille grâces au hasard ; vous avez donc aussi des procès, madame la comtesse ?
— Eh ! monsieur le duc, je n’en ai qu’un ; mais quel procès ! Il n’est pas que vous n’en ayez ouï parler ?
— Fort bien, fort bien ; ce grand procès… c’est vrai, pardon. Comment diable avais-je oublié cela ?
— Contre les Saluces.
— Contre les Saluces, oui, madame la comtesse ; ce procès sur lequel on a fait cette chanson…
— Une chanson ?… dit la vieille piquée, quelle chanson ?
— Prenez garde, madame, il y a ici un renfoncement, dit le duc, qui vit que décidément la vieille ne se jetterait pas dans le trou ; prenez la rampe, c’est-à-dire la corde.
La vieille monta les premières marches. Le duc la suivit.
— Oui, une chanson assez drôle, dit-il.
— Une chanson assez drôle sur mon procès ?…
— Dame ! je vous en fais juge… Mais vous la connaissez peut-être ?…
— Pas du tout.
— C’est sur l’air de la Bourbonnaise ; il y est dit :
Madame la comtesse,
Faites-moi politesse,
Je suis dans l’embarras.
C’est madame du Barry qui parle, vous entendez.
— C’est impertinent pour elle…