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CLI

LE CAS DE CONSCIENCE.


Après avoir transcrit, avec ce soin méticuleux qui le caractérisait, quelques pages de ses Rêveries d’un promeneur solitaire, Rousseau venait de terminer un frugal déjeuner.

Quoiqu’une retraite lui eût été offerte par M. de Girardin dans les délicieux jardins d’Ermenonville, Rousseau, hésitant à se soumettre à l’esclavage des grands, comme il disait à sa monomanie misanthropique, habitait encore ce petit logement de la rue Plâtrière que nous connaissons.

De son côté, Thérèse ayant achevé de mettre en ordre le petit ménage, venait de prendre son panier pour aller à la provision.

Il était neuf heures du matin.

La ménagère, selon son habitude, vint demander à Rousseau ce qu’il préférait pour le dîner du jour.

Rousseau sortit de sa rêverie, leva lentement la tête et regarda Thérèse comme fait un homme à moitié éveillé.

— Tout ce que vous voudrez, dit-il, pourvu qu’il y ait des cerises et des fleurs.

— On verra, dit Thérèse, si tout cela n’est pas trop cher.

— Bien entendu, dit Rousseau.

— Car enfin, continua Thérèse, je ne sais pas si c’est que ce que vous faites ne vaut rien, mais il me semble qu’on ne vous paie plus comme autrefois.

— Tu te trompes, Thérèse, on me paie le même prix, mais je me fatigue et travaille moins, et puis mon libraire est en retard avec moi d’un demi-volume.

— Vous verrez que celui-là vous fera encore banqueroute.

— Il faut espérer que non, c’est un honnête homme.