Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/235

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— Non, monsieur ; car ce secret, j’ai plus d’intérêt encore que vous à le garder.

— Alors, vous êtes celui qu’on nomme Gilbert ? dit Balsamo.

— Oui, monsieur le comte.

Balsamo enveloppa de son regard profond et dévorant le jeune homme dont le nom emportait une accusation si terrible.

Il fut surpris, lui qui se connaissait en hommes, de l’assurance de son maintien, de la dignité de sa parole.

Gilbert s’était posé devant une table sur laquelle il ne s’appuyait pas ; une de ses mains effilées, blanches même malgré l’habitude des travaux rustiques, était cachée dans sa poitrine ; l’autre tombait avec grâce à son côté.

— Je vois à votre contenance, dit Balsamo, ce que vous venez faire ici ; vous savez qu’une dénonciation terrible a été faite contre vous par mademoiselle de Taverney, qu’avec l’aide de la science j’ai forcée de dire la vérité ; vous venez me reprocher ce témoignage, n’est-ce pas ? cette évocation d’un secret qui, sans moi, fût resté enveloppé dans les ténèbres comme dans une tombe ?

Gilbert se contenta de secouer la tête.

— Vous auriez tort cependant, continua Balsamo ; car en admettant que j’eusse voulu vous dénoncer sans y être forcé par mon intérêt, à moi que l’on accusait ; en admettant que je vous eusse traité en ennemi, que je vous eusse attaqué tandis que je me contentais de me défendre ; en admettant, dis-je, tout cela, vous n’avez le droit de rien dire, car, en vérité, vous avez commis une lâche action.

Gilbert froissa rudement sa poitrine avec ses ongles, mais il ne répondit encore rien.

— Le frère vous poursuivra, et la sœur vous fera tuer, reprit Balsamo, si vous avez l’imprudence de vous promener comme vous faites dans les rues de Paris.

— Oh ! quant à cela, peu m’importe, dit Gilbert.

— Comment, peu vous importe ?

— Oui ; j’aimais mademoiselle Andrée ; je l’aimais comme