Page:Dumas - La Dernière Année de Marie Dorval, 1855.djvu/55

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Il y avait en effet depuis deux ou trois jours chez Marie des idées toutes nouvelles, parfois bizarres, tenant du délire. Elle avait passé la nuit précédente à se rappeler les vieux airs des opéras-comiques qu’elle chantait dans sa jeunesse.

Son enfance lui repassait comme un songe devant les yeux.

En l’entendant fredonner, Luguet releva la tête et la regarda avec étonnement, presque avec effroi.

— Viens ici, Luguet, lui dit-elle en lui faisant signe de s’approcher de son chevet, et aide-moi en soufflant tout bas les airs que j’ai oubliés.

Luguet obéit, corps dont l’âme était passée tout entière dans la mourante, comme pour lui donner une seconde chance de vivre, il n’avait d’autre volonté que la sienne.

Ils chantèrent ainsi jusqu’au jour.

Au jour, Dorval s’assoupit, Luguet tomba de fatigue.

Le lendemain, elle lui dit :

— Mon cher Luguet, nous voici au mois de mai ; puis souriant : le mois de Georges et de Marie. Va dans la campagne, rapporte-moi un gros bouquet