Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/113

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prêtres épargnés ; ces dignes patriotes savaient si bien leur Paris, que tout visage de connaissance devait les frapper au passage, et, disons-le, les frappait presque toujours.

Ce n’était pas chose aisée que de se déguiser alors : trop de richesse dans le costume appelait l’œil, trop de simplicité appelait le soupçon. Comme la malpropreté était un des insignes de civisme les plus répandus, tout porteur d’eau, tout marmiton pouvait cacher un aristocrate ; et puis la main blanche aux beaux ongles, comment la dissimuler entièrement ? Cette démarche aristocratique qui n’est plus sensible de nos jours, où les plus humbles portent les plus hauts talons, comment la cacher à vingt paires d’yeux plus ardens que ceux du limier en quête ?

Un voyageur était donc, dès son arrivée, fouillé, interrogé, dénudé, quant au moral, avec une facilité que donnait l’usage, et une liberté que donnait… la liberté.

Hoffmann parut devant ce tribunal vers six heures du soir, le 7 décembre. Le temps était gris, rude, mêlé de brume et de verglas ; mais les bonnets d’ours et de loutre emprisonnant les têtes patriotes leur laissaient assez de sang chaud à la cervelle et aux oreilles pour qu’ils possédassent toute leur présence d’esprit et leurs précieuses facultés investigatrices.

Hoffmann fut arrêté par une main qui se posa doucement sur sa poitrine.

Le jeune voyageur était vêtu d’un habit gris de fer, d’une grosse redingote, et ses bottes allemandes lui dessinaient une jambe assez coquette, car il n’avait pas rencontré de boue depuis la dernière étape, et le carrosse ne pouvait plus marcher à cause du grésil. Hoffmann avait fait six