Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/115

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suis patriote autant que vous, et de plus, je suis une artiste.

En disant ces mots, il tira de sa poche une de ces pipes effrayantes dont un plongeur de l’Allemagne peut seul trouver le fond.

Cette pipe fit un effet prodigieux sur les sectionnaires, qui savouraient leur tabac dans leurs petits réceptacles.

Tous se mirent à contempler le petit jeune homme qui entassait dans cette pipe, avec une habileté fruit d’un grand usage, la provision de tabac d’une semaine.

Il s’assit ensuite, alluma le tabac méthodiquement jusqu’à ce que le fourneau présentât une large croûte de feu à sa surface, puis il aspira à temps égaux des nuages de fumée qui sortirent gracieusement, en colonnes bleuâtres, de son nez et de ses lèvres.

— Il fume bien, dit un des sectionnaires.

— Et il paraît que c’est un fameux, dit un autre ; vois donc ses certificats.

— Qu’es-tu venu faire à Paris ? demanda un troisième.

— Étudier la science et la liberté, répliqua Hoffmann.

— Et quoi encore ? ajouta le Français peu ému de l’héroïsme d’une telle phrase, probablement à cause de sa grande habitude.

— Et la peinture, ajouta Hoffmann.

— Ah ! tu es peintre, comme le citoyen David ?

— Absolument.

— Tu sais faire les patriotes romains tout nus comme lui ?

— Je les fais tout habillés, dit Hoffmann.

— C’est moins beau.