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Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/116

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— C’est selon, répliqua Hoffmann avec un imperturbable sang-froid.

— Fais-moi donc mon portrait, dit le sectionnaire avec admiration.

— Volontiers.

Hoffmann prit un tison au poêle, en éteignit à peine l’extrémité rutilante, et, sur le mur blanchi à la chaux, il dessina un des plus laids visages qui eussent jamais déshonoré la capitale du monde civilisé.

Le bonnet à poils et la queue de renard, la bouche baveuse, les favoris épais, la courte pipe, le menton fuyant, furent imités avec un si rare bonheur de vérité dans sa charge, que tout le corps de garde demanda au jeune homme la faveur d’être portraituré par lui.

Hoffmann s’exécuta de bonne grâce et croqua sur le mur une série de patriotes aux visages bien réussis, mais moins nobles, assurément, que les bourgeois de La Ronde nocturne de Rembrandt.

Les patriotes une fois en belle humeur, il ne fut plus question de soupçons : l’Allemand fut naturalisé Parisien ; on lui offrit la bière d’honneur, et lui, en garçon bien pensant, il offrit à ses hôtes du vin de Bourgogne, que ces messieurs acceptèrent de grand cœur.

Ce fut alors que l’un d’eux, plus rusé que les autres, prit son nez épais dans le crochet de son index, et dit à Hoffmann en clignant l’œil gauche :

— Avoue-nous une chose, citoyen Allemand.

— Laquelle, notre ami ?

— Avoue-nous le but de ta mission.

— Je te l’ai dit : la politique et la peinture.