— Comment, des charrettes ? je ne comprends pas bien ; excusez-moi, je suis étranger.
— Citoyen, les charrettes, c’est comme qui dirait des corbillards pour les gens qui vont mourir.
— Ah ! mon Dieu !
— Oui, le matin arrivent les prisonniers qui viennent se faire juger au tribunal révolutionnaire.
— Bien.
— À quatre heures, tous les prisonniers sont jugés, on les emballe dans les charrettes que le citoyen Fouquier a requises à cet effet.
— Qu’est-ce que cela, le citoyen Fouquier ?
— L’accusateur public.
— Fort bien, et alors ?
— Et alors les charrettes s’en vont au petit trot à la place de la Révolution, où la guillotine est en permanence.
— En vérité !
— Quoi ! vous êtes sorti et vous n’êtes pas allé voir la guillotine ! c’est la première chose que les étrangers visitent en arrivant ; il paraît que nous autres Français nous avons seuls des guillotines.
— Je vous en fais mon compliment, madame.
— Dites citoyenne.
— Pardon.
— Tenez, voici les charrettes qui arrivent…
— Vous vous retirez, citoyenne.
— Oui, je n’aime plus voir cela.
Et l’hôtesse se retira.
Hoffmann la prit doucement par le bras.