Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/140

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riosité mêlée d’étonnement. Figurez-vous un visage de forme ovale, au front poli comme l’ivoire, aux cheveux rares et fauves ayant poussé de distance en distance comme des touffes de buisson dans une plaine. Supprimez les sourcils, et, au-dessous de la place où ils devraient être, faites deux trous, dans lesquels vous mettrez un œil froid comme du verre, presque toujours fixe, et qu’on croirait d’autant plus volontiers inanimé qu’on chercherait vainement en eux le point lumineux que Dieu a mis dans l’œil comme une étincelle de foyer de la vie. Ces yeux sont bleus comme le saphir, sans douceur, sans dureté. Ils voient, cela est certain, mais ils ne regardent pas. Un nez sec, mince, long et pointu, une bouche petite, aux lèvres entr’ouvertes sur des dents non pas blanches, mais de la même couleur cireuse que la peau, comme si elles eussent reçu une légère infiltration de sang pâle et s’en fussent colorées, un menton pointu, rasé avec le plus grand soin, des pommettes saillantes, des joues creusées chacune par une cavité à y mettre une noix, tels étaient les traits caractéristiques du spectateur voisin d’Hoffmann.

Cet homme pouvait aussi bien avoir cinquante ou trente ans. Il en eût eu quatre-vingts que la chose n’eût pas été extraordinaire ; il n’en eût eu que douze que ce n’eût pas été bien invraisemblable. Il semblait qu’il eût dû venir au monde tel qu’il était. Il n’avait sans doute jamais été plus jeune, et il était possible qu’il parût plus vieux.

Il était probable qu’en touchant sa peau on eût éprouvé la même sensation de froid qu’en touchant la peau d’un serpent ou d’un mort.