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Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/144

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homme qui ne veut rien perdre du spectacle auquel il va assister.

Cependant, il dit à Hoffmann, comme par réflexion :

— Vous êtes Allemand, monsieur ?

— En effet.

— J’ai reconnu votre pays à votre accent. Beau pays, vilain accent.

Hoffmann s’inclina devant cette phrase faite d’une moitié de compliment et d’une moitié de critique.

— Et vous êtes venu en France, pourquoi ?

— Pour voir.

— Et qu’est-ce que vous avez déjà vu ?

— J’ai vu guillotiner, monsieur.

— Étiez-vous aujourd’hui à la place de la Révolution ?

— J’y étais.

— Alors vous avez assisté à la mort de madame Du Barry ?

— Oui, fit Hoffmann avec un soupir.

— Je l’ai beaucoup connue, continua le docteur avec un regard confidentiel, et qui poussait le mot connue jusqu’au bout de sa signification. C’était une belle fille, ma foi !

— Est-ce que vous l’avez soignée aussi ?

— Non, mais j’ai soigné son nègre Zamore.

— Le misérable ! on m’a dit que c’est lui qui a dénoncé sa maîtresse.

— En effet, il était fort patriote, ce petit négrillon.

— Vous auriez bien dû faire de lui ce que vous avez fait du vieillard, vous savez, du vieillard à la tabatière.

— À quoi bon ? il n’avait point d’héritiers, lui.

Et le rire du docteur tinta de nouveau.