Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/154

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— Et sans doute il l’aime ?

— À la folie. Il est d’une jalousie féroce.

Mais si intéressant que fût Danton, Hoffmann avait déjà reporté les yeux sur Arsène, dont la danse silencieuse avait une apparence fantastique.

— Encore un renseignement, monsieur.

— Parlez.

— Quelle forme a l’agrafe qui ferme son collier ?

— C’est une guillotine.

— Une guillotine !

— Oui. On en fait de charmantes, et toutes nos élégantes en portent au moins une. Celle que porte Arsène, c’est Danton qui la lui a donnée.

— Une guillotine, une guillotine au cou d’une danseuse ! répéta Hoffmann, qui sentait son cerveau se gonfler ; une guillotine, pourquoi ?…

Et notre Allemand, qu’on eût pu prendre pour un fou, allongeait les bras devant lui, comme pour saisir un corps, car, par un effet étrange d’optique, la distance qui le séparait d’Arsène disparaissait par moment, et il lui semblait sentir l’haleine de la danseuse sur son front, et entendre la brûlante respiration de cette poitrine, dont les seins, à moitié nus, se soulevaient comme sous une étreinte de plaisir. Hoffmann en était à cet état d’exaltation où l’on croit respirer du feu, et où l’on craint que les sens ne fassent éclater le corps.

— Assez ! assez ! disait-il.

Mais la danse continuait, et l’hallucination était telle, que, confondant ses deux impressions les plus fortes de la journée, l’esprit d’Hoffmann mêlait à cette scène le souvenir