Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/227

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Il venait de trouver dans ce bruit l’enivrement qu’il cherchait ; de son côté, Arsène se leva aux premiers accords.

Ces accords, comme un réseau de feu, avaient semblé envelopper toute sa personne.

Elle rejeta loin d’elle le rideau de damas rouge, et, chose étrange, comme un changement magique s’opère au théâtre, sans que l’on sache par quel moyen, un changement s’était opéré en elle, et au lieu de sa robe grise, au lieu de ses épaules veuves d’ornemens, elle reparut avec le costume de Flore, tout ruisselant de fleurs, tout vaporeux de gaze, tout frissonnant de volupté.

Hoffmann jeta un cri, puis, redoublant d’énergie, il sembla faire jaillir une vigueur infernale de cette poitrine du clavecin, toute résonnante sous ses fibres d’acier.

Alors le même mirage revint troubler l’esprit d’Hoffmann. Cette femme bondissante, qui s’était animée par degrés, opérait sur lui avec une attraction irrésistible. Elle avait pris pour théâtre tout l’espace qui séparait le piano de l’alcôve, et, sur le fond rouge du rideau, elle se détachait comme une apparition de l’enfer. Chaque fois qu’elle revenait du fond vers Hoffmann, Hoffmann se soulevait sur sa chaise ; chaque fois qu’elle s’éloignait vers le fond, Hoffmann se sentait entraîné sur ses pas. Enfin, sans qu’Hoffmann comprît comment la chose se faisait, le mouvement changea sous ses doigts ; ce ne fut plus l’air qu’il avait entendu qu’il joua, ce fut une valse : cette valse c’était le Désir de Beethoven ; elle était venue, comme une expression de sa pensée, se placer sous ses doigts. De son côté, Arsène avait changé de mesure ; elle tourna sur elle-même d’a-