Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/24

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taleo était le seul de son espèce, et, perdu pour tous les hommes, il ne vivait plus que dans les souvenirs de Nodier.

Mais aussi là vivait-il de manière à ne jamais s’en effacer.

Nous avons parlé des défauts de Nodier ; son défaut dominant, aux yeux de madame Nodier du moins, c’était sa bibliomanie ; ce défaut, qui faisait le bonheur de Nodier, faisait le désespoir de sa femme.

C’est que tout l’argent que Nodier gagnait passait en livres. Combien de fois Nodier, sorti pour aller chercher deux ou trois cents francs absolument nécessaires à la maison, rentra-t-il avec un volume rare, avec un exemplaire unique !

L’argent était resté chez Techener ou Guillemot.

Mme Nodier voulait gronder ; mais Nodier tirait son volume de sa poche, il l’ouvrait, le fermait, le caressait, montrait à sa femme une faute d’impression qui faisait l’authenticité du livre, et cela tout en disant :

— Songe donc, ma bonne amie, que je retrouverai trois cents francs, tandis qu’un pareil livre, hum ! un pareil livre, hum ! un pareil livre est introuvable ; demande plutôt à Pixérécourt.

Pixérécourt, c’était la grande admiration de Nodier, qui a toujours adoré le mélodrame. Nodier appelait Pixérécourt le Corneille des boulevards.

Presque tous les matins, Pixérécourt venait rendre visite à Nodier.

Le matin, chez Nodier, était consacré aux visites des bibliophiles. C’était là que se réunissaient le marquis de Ga-