Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/45

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ou la place de la Révolution était toujours le théâtre ; ou enfin quelque mystérieuse conspiration de Cadoudal ou d’Oudet, de staps ou de Lahorie ; alors ceux qui entraient faisaient silence, saluaient de la main, et allaient s’asseoir dans un fauteuil ou s’adosser contre le lambris ; puis l’histoire finissait, comme finit toute chose. On n’applaudissait pas ; pas plus qu’on n’applaudit le murmure d’une rivière, le chant d’un oiseau ; mais, le murmure éteint, mais, le chant évanoui, on écoutait encore. Alors Marie, sans rien dire, allait se mettre à son piano, et, tout à coup, une brillante fusée de notes s’élançait dans les airs comme le prélude d’un feu d’artifice : alors les joueurs, relégués dans des coins, se mettaient à des tables et jouaient.

Nodier n’avait longtemps joué qu’à la bataille, c’était son jeu de prédilection, et il s’y prétendait d’une force supérieure ; enfin, il avait fait une concession au siècle et jouait à l’écarté.

Alors Marie chantait des paroles d’Hugo, de Lamartine ou de moi, mises en musique par elle ; puis, au milieu de ces charmantes mélodies, toujours trop courtes, on entendait tout à coup éclore la ritournelle d’une contredanse, chaque cavalier courait à sa danseuse, et un bal commençait.

Bal charmant dont Marie faisait tous les frais, jetant, au milieu de trilles rapides brodés par ses doigts sur les touches du piano, un mot à ceux qui s’approchaient d’elle, à chaque traversé, à chaque chaîne des dames, à chaque chassé-croisé. À partir de ce moment, Nodier disparaissait, complètement oublié, car lui, ce n’était pas un de ces maîtres absolus et bougons dont on sent la présence et