— Et qui l’écrira ?
— Vous.
— Comment ! moi, mon bon Charles ? mais je ne la sais pas, votre histoire.
— Je vous la raconterai. Oh ! celle-là, je la gardais pour moi, ou plutôt pour vous.
— Mon bon Charles, vous me la raconterez, vous l’écrirez, vous l’imprimerez.
Nodier secoua la tête.
— Je vais vous la dire, fit-il ; vous me la rendrez si j’en reviens.
— Attendez à ma prochaine visite, nous avons le temps.
— Mon ami, je vous dirai ce que je disais à un créancier quand je lui donnais un à-compte : Prenez toujours.
Et il commença.
Jamais Nodier n’avait raconté d’une façon si charmante.
Oh ! si j’avais eu une plume, si j’avais eu du papier, si j’avais pu écrire aussi vite que la parole !
L’histoire était longue, je restai à dîner.
Après le dîner, Nodier s’était assoupi. Je sortis de l’Arsenal sans le revoir.
Je ne le revis plus.
Nodier, que l’on croyait si facile à la plainte, avait au contraire caché jusqu’au dernier moment ses souffrances à sa famille. Lorsqu’il découvrit la blessure, on reconnut que la blessure était mortelle.
Nodier était non-seulement chrétien, mais bon et vrai catholique. C’était à Marie qu’il avait fait promettre de lui envoyer chercher un prêtre lorsque l’heure serait venue.