Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/89

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matité de peaux des femmes du Midi ; ainsi ses cheveux blonds, épais et légers à la fois, flottant au moindre vent, comme une vapeur dorée, ombrageaient des yeux et des sourcils de velours noir. Puis, chose singulière encore, c’était dans sa voix surtout que le mélange harmonieux des deux langues était sensible. Aussi, lorsque Antonia parlait allemand, la douceur de la belle langue où, comme dit Dante, résonne le si, venait adoucir la rudesse de l’accent germanique, tandis qu’au contraire, quand elle parlait italien, la langue un peu trop molle de Métastase et de Goldoni prenait une fermeté qui lui donnait la puissante accentuation de la langue de Schiller et de Goethe.

Mais ce n’était pas seulement au physique que se faisait remarquer cette fusion ; Antonia était au moral un type merveilleux et rare de ce que peuvent réunir de poésie opposée le soleil de l’Italie et les brumes de l’Allemagne. On eût dit à la fois une muse et une fée, la Lorely de la ballade et la Béatrice de La Divine Comédie.

C’est qu’Antonia, l’artiste par excellence, était fille d’une grande artiste. Sa mère, habituée à la musique italienne, s’était un jour prise corps à corps avec la musique allemande. La partition de L’Alceste de Gluck lui était tombée entre les mains, et elle avait obtenu de son mari, maître Gottlieb, de lui faire traduire le poëme en italien, et, le poëme traduit en italien, elle était venue le chanter à Vienne ; mais elle avait trop présumé de ses forces, ou plutôt, l’admirable cantatrice, elle ne connaissait pas la mesure de sa sensibilité. À la troisième représentation de l’opéra qui avait eu le plus grand succès, à l’admirable solo d’Alceste :